Épilogue prolongé
SIMONE
ALORS QUE MON SOUTIEN-GORGE de sport trempé de sueur est collé à moi et que mes cheveux frisés sont en bataille, je m’allonge sur mon tapis de yoga et laisse échapper une longue expiration. D’autres yogis enroulent leurs tapis et je me force à me redresser et à m’appuyer sur mes mains.
Candice me sourit depuis l’avant de la salle avant de s’approcher.
— C’était comment ?
Je pousse un soupir.
— Toujours aussi difficile.
— Tu t’améliores. Je me souviens que la première fois que t’es venue à un de mes cours, tu n’arrivais même pas à toucher tes orteils.
Elle s’assied à côté de moi, les jambes croisées, la posture parfaite, et fait un signe de tête aux autres élèves qui sortent de la salle.
— Tous tes efforts ont porté leurs fruits.
Je jette un coup d’œil à la taille de mon pantalon de yoga et acquiesce.
— J’ai perdu du poids. Si tu m’avais demandé il y a un an si c’était possible, je t’aurais ri au nez.
— C’est grâce à la marche et au yoga. Et aux autres activités que tu pratiques avec Wes.
Candice arque un sourcil et sourit.
— Ça, et le fait que Wes a un régime alimentaire criminellement sain. J’ai ramené du chocolat à la maison la semaine dernière et il l’a regardé comme s’il allait lui sauter dessus et le mordre. Il a refusé d’en manger ! J’ai envisagé de rompre avec lui rien que pour ça.
Candice rit.
— Vous êtes complémentaires.
— Peut-être.
Je me lève avec effort et commence à enrouler mon tapis de yoga. Je me tamponne le front avec ma serviette et laisse échapper un souffle.
— On se voit demain ?
— J’ai le premier service au Four Cups, donc je serai là dès l’ouverture, dit Candice en souriant.
Je rassemble mes affaires, mets mon sac de sport sur l’épaule et me dirige vers la porte du studio. Candice a déménagé son studio du local qu’elle occupait au bout de la rue à une pièce à l’arrière de l’hôtel Heart’s Cove. Je traverse un jardin luxuriant, me dirige vers le lobby et vois les jumelles devant un écran d’ordinateur, de l’autre côté du bureau de la réception.
— Bonjour Dorothy. Margaret.
— Simone.
Margaret sourit, une lueur dans les yeux. Dorothy et elle échangent un regard en se redressant. Margaret passe ses mains sur le devant de son pantalon ample.
— Viens ici un instant, tu veux ?
J’avance vers le bureau et me penche par-dessus tandis que Dorothy fait pivoter l’écran dans ma direction. Un message sur un réseau social m’accueille, et Dorothy me pose une question à laquelle j’ai répondu il y a une heure sur la manière de répondre aux commentaires. Je fronce les sourcils et lui jette un coup d’œil. D’habitude, elle assimile très vite les nouveautés sur ordinateur. Cela fait longtemps qu’elle n’a pas eu besoin de mon aide pour ce genre de choses.
Je lui indique ce qu’elle doit faire, puis je m’interromps lorsque Margaret pose la main sur l’épaule de sa sœur. Elles jettent toutes les deux un coup d’œil vers les portes du lobby, puis vers moi.
Je fronce les sourcils.
Il se passe quelque chose.
Un bruit de pas derrière moi attire mon attention, et j’aperçois Candice qui entre dans le lobby. Bizarre. D’habitude, elle va directement du studio à sa voiture en contournant l’hôtel. Elle me voit et me lance une sorte de sourire paniqué.
Puis la cloche au-dessus de la porte d’entrée tinte et Wes entre dans la pièce.
Sa présence remplit l’espace, se pressant contre moi comme un contact physique. Dans son habituel jean délavé et simple t-shirt, il passe ses doigts dans ses cheveux et me lance un sourire espiègle. Ses fossettes font leur apparition et je lui pardonne l’incident du chocolat. Je peux presque supporter l’idée qu’il ne mange pas de dessert si cela signifie qu’il ressemble à ça quand il me regarde.
— Salut.
Ma langue semble lourde dans ma bouche. Je suis une adulte, bon sang ! Cet homme me déstabilise avec un simple sourire.
— Salut, ma belle.
Il réduit la distance qui nous sépare et passe un bras puissant autour de ma taille. Ses lèvres se rapprochent des miennes et j’entends quelque chose qui ressemble étrangement à un soupir de nostalgie venant du coin de Candice. La main de Wes s’étend sur mon dos tandis que son autre paume se pose sur le côté de mon cou. Il m’embrasse là, dans le lobby, avec la langue et tout le reste.
Je rougis lorsque je recule. Submergée.
— Ouah.
Wes se contente de sourire.
— Je veux te montrer quelque chose.
Il glisse ses doigts dans les miens et me tire. Je n’ai pas d’autre choix que de le suivre alors qu’il me fait sortir par la porte du lobby et traverser le parking.
C’est alors que je le vois.
Un 4x4 d’un noir étincelant avec un gros nœud rouge sur le toit. Il est garé contre le trottoir, fier et exhibé, et je m’arrête dans mon élan. Wes s’arrête à côté de moi, un sourire taquin sur les lèvres.
— Wes…
Il fouille dans sa poche et en sort un porte-clés, qu’il fait pendre entre deux longs doigts.
— Joyeux anniversaire, Simone.
— Non, dis-je en secouant la tête. Absolument pas.
Il incline la tête.
— Comment ça, non ?
— Tu ne m’as pas acheté une voiture.
Au lieu de répondre, Wes retourne la clé et appuie sur un bouton. Les serrures de la voiture se déverrouillent et les phares clignotent. Il me regarde à nouveau, un sourire taquinant ses lèvres.
— Tu t’es acheté une voiture, dis-je. Je vais acheter une voiture d’occasion que je peux me permettre.
— Simone…
— Wes.
Je croise les bras sur ma poitrine et le fixe du regard.
— Tu ne m’as pas acheté une voiture. C’est trop.
— Rien n’est trop.
Oh, mon cœur. Je reprends mon souffle, et à en juger par le retroussement des lèvres de Wes, il n’en rate pas une miette. Il me prend la main et enroule mes doigts autour du porte-clés.
— Assieds-toi au moins au volant, Simone.
— Je vais grossir.
Il rit.
— Quoi ? Je marche pour aller partout, je fais du yoga et je mange du poulet et des brocolis. Si j’achète une voiture, je vais grossir.
Ce que je dis n’a aucun sens. Je sais que ce que je dis n’a aucun sens. Mais je ne peux pas m’arrêter de parler.
— Alors grossissons ensemble.
Je lui lance un regard noir.
— Tu ne manges pas de chocolat, Wes.
Bon sang, son sourire est trop sexy pour que je puisse résister.
— Je t’aimerai quelle que soit ta corpulence, Simone.
Il fait un geste vers la voiture.
— Mets-toi à la place du conducteur et vois ce que ça fait.
— Ça va être génial. C’est bien le problème !
— Oh, monte dans la voiture, Simone ! s’exclame Dorothy derrière moi.
Je me retourne pour la voir, ainsi que Margaret, Candice et bizarrement Agnès, se presser sous l’auvent de l’entrée de l’hôtel. Elles m’adressent des sourires encourageants et me font signe d’avancer.
— Tout le monde était dans le coup ? demandé-je en me tournant vers Wes.
— Je voulais m’assurer que tu serais occupée pendant que j’allais la chercher.
— T’avais tout prévu.
— C’est ton quarante-cinquième anniversaire ce week-end, Simone, dit Wes en glissant son bras autour de mon dos. Cet été a été le meilleur de ma vie, et c’est grâce à toi. Une voiture n’est rien.
J’expire longuement et me mords la lèvre. Le meilleur été de sa vie ? Mon cœur fait une cabriole, principalement parce que je suis d’accord. Après le Fringe Festival, le Four Cups a été plus fréquenté que jamais. Avec la promesse d’un contrat de traiteur avec Hollywood l’année prochaine, nous envisageons des bénéfices en hausse et un investissement étonnamment bon.
Mais ce n’est pas ce qui a rendu cet été extraordinaire. C’est le fait que chaque nuit, je me suis endormie à côté de Wes et que chaque matin, je me suis réveillée auprès de lui. J’ai marché dans les bois la plupart des matins, une tasse de café à la main, pour trouver Fiona assise sur une chaise de jardin en bois, en train de m’attendre. J’ai passé mes journées dans le bureau que Wes a construit, entourée d’amies et d’êtres chers.
Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie plus qu’heureuse. Je me suis sentie en paix. Comblée. Totalement satisfaite.
— Simone…
Wes me tire par la main, m’entraînant vers le côté conducteur. Nous nous tenons à côté de la portière tandis que ma bouche s’assèche et que mes yeux s’écarquillent à la vue des sièges en cuir, du tableau de bord rutilant et de l’électronique high-tech.
— Mon ancienne voiture, Bertha, n’avait même pas de vitres électriques, dis-je.
Wes émet un gloussement chaleureux et profond. Ses doigts inclinent mon menton et, caché de notre public à l’hôtel, Wes dépose un autre baiser sur mes lèvres. Il a un goût de menthe, de fraîcheur et tout à fait Wes.
Je ferme les yeux et fonds contre lui, mon cœur battant si fort que j’ai l’impression que je vais m’évanouir. Lorsque j’entrouvre les lèvres et que je sens la langue de Wes pénétrer dans ma bouche, j’émets un faible gémissement.
Il sourit, se retire et ses yeux se plissent aux coins en me regardant.
— Je t’aime, Simone. Maintenant, monte dans la voiture.
Le cœur battant, je m’exécute. Il ferme la portière une fois que je me suis glissée à l’intérieur, et je me retrouve entourée de l’odeur d’une voiture neuve, les mains sur un volant lisse et les fesses dans un siège en cuir qui se réchauffe probablement si on appuie sur un bouton.
J’ai une voiture !
Je mets la clé dans le contact, la tourne et sens la voiture s’animer sous moi. J’appuie sur le klaxon en riant et regarde les jumelles, Agnès et Candice pousser des cris et des hurlements depuis le parking, les bras en l’air. Mon sourire divise mon visage en deux, puis, chose impossible, s’élargit lorsque Wes se glisse sur le siège passager.
Il passe une main autour de ma nuque et écrase ses lèvres sur les miennes.
— Joyeux anniversaire, ma belle.
— C’est trop.
— Rien n’est trop, Simone.
— Tu n’avais pas besoin de m’offrir ça.
— Je sais, dit-il en souriant. Je sais que tu n’as pas demandé ça. Je sais que tu ne veux pas de choses de ma part. Mais je sais aussi que je veux que tu sois en sécurité, indépendante et capable de te déplacer toute seule.
— T’en as juste marre que j’utilise ta camionnette.
— Ça aussi.
Il sourit, puis m’embrasse à nouveau. Fort. Quand il s’éloigne, j’ai la tête qui tourne.
Avec un signe de la main et un autre coup de klaxon, je dis au revoir à mes amies et descends le boulevard Cove en direction de ma belle maison sur la côte. Wes glisse sa main sur ma cuisse et la serre, ce qui me donne des frissons dans tout le corps. Lorsque nous arrivons à la maison, j’ai à peine le temps de fermer la porte de la voiture que je suis hissée sur l’épaule de Wes en poussant un cri.
— Maintenant, il est temps de passer à la deuxième partie, grogne-t-il.
— La deuxième partie ?
— De ton cadeau. Elle implique ma langue.
Il me donne une claque sur le cul alors que nous nous dirigeons vers la porte d’entrée.
— Et moins de vêtements.
Je ris et le laisse me porter pour franchir le seuil avant de me poser sur le canapé. Il m’enlève mon pantalon d’un coup sec, puis s’agenouille devant moi et accroche mes jambes nues à ses épaules.
— Maintenant, je veux que tu t’allonges contre ces coussins et que t’en profites, d’accord ? Pas de protestation. Pas un mot pour refuser les cadeaux que je te donne.
— Je pense que je peux y arriver, dis-je, essoufflée.
Je laisse alors ma tête retomber en arrière quand sa bouche se met à l’œuvre. Ses cheveux sont soyeux entre mes doigts. Ses gémissements profonds grondent à travers moi tandis que ses fortes et larges épaules sont parfaitement encadrées par mes jambes.
Oui, je peux accepter ce genre de cadeau d’anniversaire. Je pourrais même l’attendre avec impatience chaque année.